» J’ai empoigné un arbre : je continuerai à le tenir serré en utilisant une main de fer. L’arbre continuera à croître, sauf en ce point »
Giusseppe Penone est un artiste italien, né en 1947, originaire de Garessio, village forestier du Piémont. Fils d’agriculteur, Giusseppe Penone a une place particulière dans la mouvance Arte Povera, qu’il intègre dès 1969, car il a montré très tôt la volonté d’user quasi exclusivement de matériaux naturels dans ses compositions, si bien que son œuvre reste foncièrement atypique et libre de toute définition précise. De ce fait, c’est certainement l’artiste italien le plus préoccupé par les relations corps / nature.
Biographie de Guissepe Penone
Après avoir obtenu un diplôme de comptabilité dans le secondaire, Giusseppe Pénone intègre l’école entre à l’Accademia Albertina di Belle Arti de Turin, l’endroit où se définit, à la fin des années 60, les bases de l’attitude pauvre, définie par Germano Celant dans son libre Arte Povera.
Pénone décrit cette période par ces mots :
« au cours d’une période de forte réaction contre le système politique et social qui interdisait l’indifférence. La violence de la critique sociale s’accompagnait d’une volonté d’annulation des valeurs pour pouvoir reconstruire à partir d’une identité retrouvée. La décision de travailler avec des éléments naturels est la conséquence logique d’une pensée qui rejetait la société de consommation et qui recherchait des relations d’affinité avec la matière » Giussepe Penone, in Villa Médicis 2008
C’est donc Germano Celant qui intègre le jeune Penone dans ce groupe, qui prônait la guérilla comme mode opératoire contre l’américanisation et l’embourgeoisement de l’art. Et c’est bien dans ce cadre que Penone réalise sa première exposition personnelle à la galerie Sperone de Turin, en 1969, où il y expose ses premières expériences photographiques qui sont des instantanés de processus comme :
– Alpes Maritimes: Ma taille , la longueur de mes bras , mon épaisseur dans un ruisseau (1968) – installation qui consiste en un bac de ciment rempli d’eau.
– Tappeto, 1969.
C’est en visitant cette exposition, que Celant a choisi une photographie pour illustrer la couverture de son livre manifeste : Arte Povera.
Ceci étant, la pratique de Giuesseppe Penone a toujours posé un problème au niveau de son identification, car s’il est question de rendre part d’une certaine corpéïté dans l’intervention artistique (Célant), d’ailleurs très présente chez Penone, l’attitude Arte Povera s’est toujours déclinée dans un certain baroquisme industriel/naturel, propre à la situation socio-économique de Turin, où il est question de saisir les tensions, les énergies issues des confrontations entre le fait culturel, dont émane le paysage industriel urbain (usines Fiat), et celui-ci du paysage ancestral et archaïque des campagnes du Piémont.
Dans l’oeuvre de Penone, la problématique industrielle est quasi niée. En fait, l’artiste italien piémontais a pris tout de suite le parti du matériau naturel qu’il confronte avec l’intervention humaine dont il est question de saisir la trace. Et lorsqu’il utilise des matériaux durs comme le bronze, c’est toujours dans la volonté de solidifier une entité corporelle ou naturelle (« L’invention, la conception de la fonte du bronze renferme une connaissance profonde et toute une réflexion sur la croissance du végétal »).
« Je me suis cramponné à un arbre et j’ai ensuite dessiné ma silhouette avec des clous et du fil de fer. L’arbre, en grandissant, sera obligé de conserver mon action ».
C’est sur cette base qu’il crée ce qui fera son identité, et qui restera indubitablement sa marque de fabrique ; à savoir, Une main en bronze cramponnée à un arbre qu’il nomme : Alpi Marittime – Continuerà a crescere tranne che in quel punto (Alpes-Maritimes – Il poursuivra sa croissance sauf en ce point).
De ces processus, il gardera des traces photographiques (qui rentrent en totale opposition avec l’esprit Arte Povera qui prônait la fin de la marchandisation artistique). Les photographies de ces actions se substituant aux oeuvres elles-mêmes, la part éphémère et non récupérable par le marché de l’art est ici compensée par la possibilité de vendre les photographies.
L’esprit de l’oeuvre de Penone, qui va définir son identité et son succès au sein de l’avant-garde artistique, ne va guère évoluer durant près de 40 années de pratique. A ceci près que Penone, durant son parcours artistique, va se consacrer quasi exclusivement au matériau naturel, tel que le bois, qu’il va prendre un peu dans l’esprit des mouvements post Arte Povera, comme Anti Form. Aux notions de processus, d’éphèmérité, de corpoïté s ‘ajouteront les problématiques de gravitation, de pesanteur, (..) qui ont animé le discours et la création artistique des années 70.
En cela Guisseppe Penone, à l’inverse de beaucoup de ses contemporains turinois connus, est plutôt un enfant des années 70, dont l’avant-grade commence à entrevoir une société post-industrielle qui trouve sa substance pas forcément dans le combat politique traditionnel, mais plutôt dans le retour d’ une poésie et d’une sensualité propre à celle de l’homme qu’il développe dans son environnement archaïque et naturel. En cela l’oeuvre de Penone préfigure peut-être un projet plus culturel que politique qui sera peut-être le propre du XXIème siècle.
Notons également la très forte implication de la France et des institutions françaises comme le château de Versailles, le Carré d’Art de Nîmes, le Centre Pompidou, le Grand Hornu, la ville de Paris (…), les éditions Actes Sud dans la diffusion de son oeuvre.
Giusseppe Pénone a enseigné à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris de 1997 à 2012. Il est représenté à Paris par la galérie Marian Goodman.