De Stijl



Piet MondrianDe Stijl est un mouvement artistique essentiellement néerlandais construit autour de la revue « De Stijl », le style, dont on dénombre la parution d’une centaine de publications durant une période qui s’étend de 1917 à 1931.
Loin d’avoir une ligne éditoriale unifiée , la revue « De Stijl » était avant tout un forum artistique où des tribunes étaient données à un petit groupe d’artistes qui voulaient discuter des orientations de l’art moderne.  Même si plusieurs personnalités ont eu un rôle actif, c’est surtout l’énergie et le parcours de l’artiste, architecte-designer,  Theo Van Doesburg qui fit de celle-ci  une référence majeure de la propagande des idées modernes en Europe. Et ceci jusqu’à ses derniers jours, en 1931.

On définit deux grandes périodes au mouvement « De Stijl » : l’une essentiellement construite autour des découvertes picturales de Piet Mondrian; et une autre, plus constructiviste, où les idées  De Stijl se sont propagées dans l’architecture, l’architecture d’intérieure, le graphisme, le design de meuble etc. dans une déclinaison plus fonctionnaliste.

La période abstraite 1917-1925

La différence essentielle entre le constructivisme russe et néerlandais se situe précisément dans la place accordée à l’art abstrait. Alors qu’en Russie, l’abstraction de Kasimir Malévitch est très vite rejetée du mouvement constructiviste comme expression de « toutes les erreurs du passé » (Tatline), les découvertes théoriques et picturales de Piet Mondrian sont au contraire admises pour définir la spécificité de la première période de « De Stijl » : un art essentiellement tourné autour du triomphe de la couleur et de la figure qui définit une esthétique rationaliste et qui veut tirer sa substance des formes pures de la création : carrés ou rectangles,  couleurs primitives (bleu, rouge, jaune), des lignes droites dessinées orthogonalement ou en diagonale lorsque Théo van Doesburg introduit l’élémentarisme.

Alors qu’en architecture -et en design- ce sont plutôt les perspectives de Frank Lloyd Wright qui sont privilégiées comme on le voit à travers l’édification de bâtiments de l’architecte Robert van’t Hoff, de Jan Wils et les créations de Gerrit Rietveld. Découpes et superposition de plans propre au style de Frank Loyd Wright très proches des compositions abstraites de Mondrian.

Même si Kasimir Malévitch avait entamé grandement la révolution de l’art abstrait dès 1915 quand il avait érigé son carré noir sur fond blanc, c’est certainement par De Stijl que cette forme d’art s’est imposée en Europe de l’ouest. A ce titre Piet Mondiran parlera d’un langage formel complètement nouveau, tiré pour beaucoup de l’étude « La Nouvelle Création dans la Peinture » qui était publiée dans le premier numéro de la revue.

Mondrian expliquait qu’ il n’était pas question de créer un style nouveau dans la lignée de ce qui s’était fait précedemment, mais plutôt de définir une forme d’expression pour un monde idéal. La condition de l’homme moderne étant de vivre forcément une conscience qu’il faut percevoir comme une vie autonome de l’esprit. Le but de la création étant de viser la beauté pure comme expression de l’universel.

« L’universel dans le style doit être exprimé par l’individuel dans le style, c’est-à-dire par la méthode de formation du style » Piet Mondrian, la nouvelle création dans la peinture, De Stijl #1

Cette période se définit très largement par cette vision idéale, voire utopiste, de la création très proche de la vision Du spirituel dans l’Art de Wassily Kandinsky, à ceci près, qu’au lyrisme du peintre russe, est opposé  la géométrie qui va servir de médian entre la volonté de l’artiste et cette pureté à atteindre. Géométrie et autonomie de la couleur étant les deux axes centraux de « De Stijl ». Ceci est rendu encore plus remarquable avec les créations de Georges Vantongerloo où de véritables formules mathématiques étaient associées au processus de conception des œuvres.

Jusqu’en 1925, « De Stijl » joue un rôle majeur dans l’avant-garde de l’Europe occidentale ;  et ses idées s’imposent comme les références des débuts du modernisme. On peut dire qu’à cette époque l’esthétique « De Stijl » est beaucoup plus avant-gardiste que celle du Bauhaus qui subit très largement son influence ; autant au niveau pictural, qu’au niveau architectural. On peut même voir la très grande influence de De Stijl sur la première période du Bauhaus (Le dernier mobilier étant le fameux fauteuil en lattes de Marcel Breuer très largement inspiré des créations de Gerrit Rietvel ):

Avant que les choses ne s’inversent durant le tournant construcitviste de l’école allemande en 1923(5).

La période constructiviste (1925-1931)

L’originalité du parcours artistique de Théo van Doesburg tient au fait qu’il a vu très tôt -et c’est là tout son génie- les limites d’une esthétique dédiée à l’art pour l’art à visée uniquement spirituelle. A partir du début des années 20, il commence à reprocher à Mondrian sa vision un peu sclérosée de sa peinture, son manque d’ouverture. Il est en profond désaccord avec la vision sociale de l’art du peintre installé à Paris qui reste très largement inspirée des mouvements artistiques du XIXème siècle.
Se sentant isolé aux Pays Bas dans ses élans révolutionnaires de faire de l’art une composante essentielle de la construction d’un nouveau monde en pleine mutation, Theo van Doesburg émigre à Weimar en 1921-1922, durant une période cruciale pour le Bauhaus, car ses idées commencent à être acceptées par Walter Gropius.

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A partir de ce moment, « De Stijl » va subir une orientation constructiviste assumée qui va, dans un premier temps, nourrir la révolution bauhausienne, et dans un second, s’inspirer grandement de la nouvelle approche fonctionnaliste proposée par l’école allemande.

Alors que dans les premiers temps de De Stijl, les figures de proue du mouvement étaient plutôt Mondrian, Huszar, van’t Hoff ; la seconde période est plutôt marquée l’emprunte de Théo van Doesburg,  Gerrit Rietveld et JPP Oud. L’artiste russe El Lissitzky, nouvellement installé en Allemagne à la même époque, participe activement à l’évolution de « De Stijl » en écrivant quelques articles fondamentaux.

A partir de 1925, « De Stijl » devient essentiellement un organe de propagande du modernisme et du style international dont le symbole absolu devient le déménagement du Bauhaus à Dessau.
L’aménagement d’intérieur du café de l’Aubette, terminé en 1927, est peut-être la dernière réalisée dans le style historique « De Stijl » si on peut s’exprimer ainsi.

L’exposition du Weisenhoff de Stuttgart en 1927 marque un nouvel élan dans les idées modernes : le fonctionnalisme commence à s’imposer en Europe. Les éléments purement décoratifs sont progressivement éliminés de la création. On perçoit cette nouvelle approche à travers les réalisations architecturales de cette époque des membres de De STijl :

Mais cette nouvelle orientation n’était pas sans poser des problèmes au sein de la rédaction de la revue. Se sentant quelque peu rejetée, la première garde se désengage du mouvement pour la quitter définitivement à partir de 1928. La mort de Theo van Doesburg en 1931, scelle la fin définitive de la revue et du mouvement. L’esthétique de la première garde n’évoluant guère durant cette période, on peut dire que la marque « De Stijl » a vécu ses derniers jours à cette époque sous sa forme expérimentale.

De Stijl se déclinera plus tard sous d’autres formes : lorsque la marque DE Stijl arrivera monde de la mode et du design par exemple. L’esthétique de Mondrian s’imposera dans le monde de l’art à la fin des années 30, lors de son passage aux Etats-Unis. Quant à Gerrit Rietveld ; il connaîtra  une indéfectible vénération de la population d’Utrecht. JPP Oud et Théo van Doesburg seront reconnus plus tard également comme des figures marquantes du modernisme. A noter que Théo van Doesburg a servi de référence majeure à beaucoup d’artistes contemporains comme Morellet et beaucoup d’autres.

Les artistes » de Stijl »

Theo van Doesburg
Piet Mondrian
Gerrit Rietveld
JPP Oud
Georges Vantongerloo
El Lissitzky
Robert van’t Hoff
Jan Wils