Je profite de la prolongation de l‘exposition de François Morellet – C’EST N’IMPORTE QUOI ? chez Kamel Mennour et de la publication de la vidéo dédiée pour la mettre en perspective avec un article paru récemment dans Slate qui parle du grand décrochage français.
On serait tenté de dire qu’il ne date pas d’hier ce décrochage. C’est ce que révèle cette vidéo qui place l’œuvre de François Morellet dans une perceptive historique
C’est absolument vrai que de prétendre que son succès soit largement dû aux allemands … cela va même être l’objet d’ART ZOO que de réhabiliter cette forme d’art….
Pour lui, si vous l’entendez bien, tout a commencé avec Théo Van Doesburg, c’est-à-dire avec le constructivisme néerlandais. On peut discuter longtemps quant à savoir lequel entre le russe et le néerlandais a eu de plus d’impact historique au sein de l’avant-grade, le dernier est peut-être un peu plus décoratif que le premier et sied peut-être un peu mieux à l’œuvre du plasticien français.
En tout cas, il est incroyable de voir que Paris n’a jamais réellement compris ce qu’il s’était passé dans les arts dans les années 20. « En France, cette forme d’art, qui a été définie à Paris, n’a jamais marché ». Et quand ce fut le cas, plus d’un demi-siècle plus tard, c’était peut-être pratiquement trop tard, serait-on tenté d’ajouter.
Marcel Breuer écrivait déjà en 1924 lors de séjour à Paris (de près d’un an), à la femme de Walter Gropius :
« Tout ici [Paris] est mort et les gens sans exception … peignent des cruches avec des asperges ou un nu, des filles au bord de la plage …»
L’incompréhension se manifeste au grand jour un an plus tard, lors de l’exposition des Arts Déco. Alors que le pavillon français met en valeur des petits intérieurs parisiens des nouveaux riches, Melnikov et El Lissitzky explosent littéralement l’esthétique petite bourgeoise en érigeant le pavillon de l’URSS (voir le dossier sur le constructivisme russe). Un art, non pas tant pour accompagner le monde, mais pour le changer.
On pourrait citer des exemples à n’en plus finir sur cette incompréhension qui a persisté. Puisque Morellet prend le parti discutable de mettre Mondrian dans la package de l’art concret, il est important de noter que le peintre néerlandais passe plusieurs décennies à Paris en ne vendant pratiquement aucun tableau.
Voici la série Jetée et Océan de Mondrian dont Morellet fait référence :
Alors ce n’est pas tant, comme l’indique l’article de Slate, de ne pas voir des artistes français dans le hit-parade des ventes qui importe -une simple perspective historique sur les côtes des artistes pourrait inciter à plus de modération quant à vouloir les corréler à une quelconque qualité – mais c’est surtout de voir des artistes qui répètent des recettes vieilles de près d’un siècle qui donne cette impression de malaise, de contre-temps… et surtout, sans le côté héroïque et subversif propre aux années 70.
Alors comment en sommes-nous arrivés là ?
La réponse ne peut pas faire l’économie de la politique. Certainement parce que le modèle français, celui qui a été consacré par la victoire d’Iena, celui qui a façonné le XIXème siècle, est peut-être tout simplement mort. Et que la France vit dans cet héritage sans réellement savoir qu’en faire, préférant se rappeler au bon souvenir de son ancienne gloire.
D’une bourgeoisie fonctionnarisée -parfois financiarisée- incapable de comprendre les nouveaux enjeux, et qui a encore la main sur à peu près tous les rouages de la société -dont celui de l’art- est peut-être l’origine du drame français. Mais ceci dépasse largement le carde strict de l’art.
Alors François Morellet, c’est vraiment pas n’importe quoi … même si certains le trouvent un peu trop déco déco, on doit le féliciter de définir un héritage cohérent à sa pratique. C’est toujours la force d’une idée qui dicte une pratique, sans quoi l’art n’est pas grand chose.